L’instabilité politique et réglementaire aux États-Unis — entre menaces de surtaxes douanières et volte-faces fiscales — a fragilisé la confiance des investisseurs.
Pourquoi l’Europe attire-t-elle les capitaux américains du private equity ?

Pourtant, loin d’un exode massif, les fonds de private equity américains privilégient d’abord une diversification stratégique, en tirant parti de leurs réserves abondantes (« dry powder ») pour explorer de nouvelles opportunités, notamment en Europe.
Un « dry powder » abondant et une levée de fonds en berne aux États-Unis
En 2024, les levées de fonds mondiales de private equity ont chuté de 24 %, pour s’établir à 589 milliards $ — le troisième recul annuel consécutif — reflétant largement la réticence des investisseurs américains face à la volatilité politique interne. Résultat : près de 2 000 milliards $ de « dry powder » demeurent non investis, contraignant les gestionnaires à rechercher des marchés moins exposés aux aléas géopolitiques et aux renversements de politique monétaire.
L’Europe, un marché en plein essor porté par ses atouts structurels
Sur le Vieux Continent, les investissements en private equity et en venture capital ont atteint 126 milliards € en 2024, soit une hausse de 24 % par rapport à 2023 — le troisième meilleur résultat historique. Les opérations de LBO ont totalisé 87 milliards € (+ 42 %), tandis que les exits ont représenté 46 milliards € (+ 45 %) — des records qui témoignent de la maturité du marché européen.
Au-delà du LBO traditionnel, les secteurs de l’intelligence artificielle et de la transition verte attirent fortement : les entreprises IA ont levé près de 3 milliards € en 2024, soit + 35 % sur un an, et l’EIB Group a injecté 12,6 milliards € en France pour soutenir la transition énergétique et l’innovation. Ces chiffres révèlent un écosystème capable de conjuguer croissance organique, fonds locaux dynamiques et participations internationales ciblées.
Complémentarité stratégique : pas d’exode, mais diversification
Plutôt que d’un simple transfert, il s’agit d’une stratégie de gestion de portefeuille : réduire l’exposition aux risques politiques outre-Atlantique tout en saisissant les relais de croissance européens. L’Union des marchés de capitaux (CMU) progresse — reconnaissance mutuelle des agréments, convergence fiscale, harmonisation ESG — mais la persistance de 27 cadres nationaux freine encore l’essor d’un véritable marché unique. La réussite de la CMU, via la simplification des procédures et une sécurité juridique accrue, conditionnera la capacité de l’Europe à accueillir durablement ce « dry powder » et à s’imposer comme leader mondial du private equity.
En conclusion, l’Europe offre aux capitaux américains un second souffle grâce à ses réformes structurelles, son marché tech et vert en plein essor, et le rôle actif des institutions publiques. Parler d’exode massif serait donc excessif : il faut plutôt voir dans cette dynamique une diversification stratégique qui, soutenue par une intégration réglementaire renforcée, pourrait faire de l’Union européenne une référence en matière de private equity.