JPMorgan et l’avenir du collatéral crypto dans les prêts financiers

JPMorgan ouvre la voie aux cryptomonnaies comme garantie de prêts : un tournant pour la finance institutionnelle

L’intégration progressive des cryptomonnaies dans le système financier traditionnel a pris un nouvel élan avec l’annonce récente de JPMorgan, qui permettra à ses clients institutionnels d’utiliser Bitcoin et Ether comme garanties pour des prêts. Ce mouvement s’inscrit dans un contexte plus large où les actifs numériques gagnent en légitimité auprès des institutions financières traditionnelles. Alors que les marchés conventionnels et crypto convergent, on observe une demande croissante pour des solutions financières innovantes qui exploitent le potentiel des cryptomonnaies au-delà de leur simple dimension spéculative.

La montée en puissance du collatéral numérique

L’adoption des cryptomonnaies par les investisseurs institutionnels connaît une expansion remarquable, particulièrement dans l’utilisation de ces actifs comme garantie pour des prêts. Les données récentes témoignent d’une véritable transformation du paysage financier.

Les protocoles de prêt en finance décentralisée (DeFi) ont enregistré une croissance impressionnante de 72% depuis le début de l’année 2025, avec une valeur totale verrouillée passant de 53 milliards à plus de 127 milliards de dollars d’ici septembre 2025. Cette progression s’appuie principalement sur l’adoption des stablecoins et des actifs du monde réel tokenisés (RWAs) par les institutions.

La participation institutionnelle au marché du prêt crypto a également connu une hausse significative, passant de 39% en 2023 à 52% en 2025. Parallèlement, 46% des institutions participent désormais au staking de cryptomonnaies, se concentrant sur des réseaux majeurs comme Ethereum et Cardano.

Le volume des prêts garantis par des cryptomonnaies atteint des sommets inédits. Au premier semestre 2024, Ledn a traité 1,16 milliard de dollars en prêts cryptographiques, principalement destinés aux institutions financières. Les taux d’intérêt pour les emprunteurs oscillent entre 11,4% et 13,4%, tandis que les prêteurs peuvent obtenir des rendements annuels supérieurs à 10% – des chiffres particulièrement attractifs dans le contexte financier actuel.

Des cas concrets d’adoption institutionnelle

L’évolution ne se limite pas aux statistiques. Des exemples concrets illustrent comment les cryptomonnaies transforment le secteur du crédit institutionnel.

En septembre 2023, Enness Global a facilité un prêt non-recourse de 6,5 millions de dollars pour un entrepreneur fortuné utilisant ses avoirs en Bitcoin comme garantie. Avec un patrimoine net dépassant 20 millions de dollars, ce client cherchait des liquidités pour de nouveaux investissements sans se séparer de ses actifs cryptographiques. Le prêt a été structuré avec un ratio prêt/valeur (LTV) de 65%.

Un an plus tard, en décembre 2024, un investisseur britannique a obtenu environ 600 000 £ en utilisant son portefeuille Bitcoin stocké hors ligne comme garantie. Avec un LTV d’environ 70%, cette opération lui a permis de diversifier son portefeuille sans liquider ses positions en cryptomonnaies – une stratégie de plus en plus prisée par les investisseurs avertis.

L’innovation technologique accompagne cette tendance. Le protocole « Wrapless », présenté en juillet 2025, permet d’utiliser Bitcoin comme garantie pour des prêts émis sur des blockchains supportant des contrats intelligents Turing-complets. Ce système établit un « canal de prêt » sur la blockchain Bitcoin, permettant la collatéralisation sans intermédiaire de confiance et sans nécessiter le wrapping d’actifs.

Un cadre réglementaire en construction

L’évolution des réglementations joue un rôle crucial dans l’adoption des cryptomonnaies comme garantie de prêts. Plusieurs juridictions ont pris les devants pour établir des cadres favorables à cette pratique.

Dans l’Union Européenne, le règlement sur les marchés des actifs cryptographiques (MiCAR), entré en vigueur le 30 juin 2024, offre un cadre général sur les actifs numériques. Bien qu’il n’aborde pas explicitement leur utilisation comme collatéral, il pose les bases d’une intégration progressive des cryptomonnaies dans le système financier traditionnel.

À Singapour, l’Autorité Monétaire (MAS) a mis l’accent sur la réglementation des stablecoins, exigeant que les émetteurs maintiennent des réserves adéquates et garantissent des droits de rachat à parité. Ces conditions renforcent la stabilité des cryptomonnaies utilisées comme garantie, un facteur déterminant pour les prêteurs institutionnels.

Les Émirats Arabes Unis se positionnent également comme un hub réglementaire favorable. En 2025, l’Autorité de Régulation des Actifs Virtuels (VARA) de Dubaï a introduit des règles strictes visant à clarifier les normes de garantie et à renforcer la discipline de marché. De son côté, l’Autorité de Régulation des Services Financiers d’Abu Dhabi Global Market (FSRA d’ADGM) a établi un cadre complet permettant une réglementation claire de l’utilisation des cryptomonnaies comme collatéral.

Perspectives et implications pour l’avenir de la finance

L’initiative de JPMorgan marque un tournant dans la perception des cryptomonnaies par les acteurs financiers traditionnels. Pour les institutions, l’utilisation des cryptomonnaies comme collatéral offre une diversification stratégique de leurs actifs et ouvre de nouvelles possibilités de prêt, contribuant à une meilleure gestion des risques.

« Cette évolution pourrait également démocratiser l’accès au crédit pour les détenteurs de cryptomonnaies, leur permettant de mobiliser leurs actifs numériques sans les vendre et donc sans déclencher d’événements fiscaux. »

La possibilité d’emprunter contre des cryptomonnaies offre une flexibilité financière accrue et pourrait attirer davantage d’investisseurs vers ces actifs.

Cependant, des défis subsistent. La volatilité inhérente aux cryptomonnaies pose des questions sur les niveaux appropriés de collatéralisation et les mécanismes de liquidation en cas de fluctuations importantes. Les institutions devront développer des modèles sophistiqués de gestion des risques spécifiques à ces actifs.

L’annonce de JPMorgan pourrait déclencher un effet domino dans le secteur bancaire traditionnel, incitant d’autres institutions à explorer des services similaires. Cette convergence entre finance traditionnelle et cryptomonnaies pourrait accélérer l’innovation financière et redéfinir les contours du système bancaire mondial dans les années à venir.