Startups françaises : l’innovation à l’épreuve de la rigueur budgétaire

Le discours de François Bayrou sur la réduction du déficit public inquiète un écosystème entrepreneurial déjà fragilisé.

Alors que les financements aux startups françaises ont reculé de 35 % au premier semestre 2025 – leur plus bas niveau depuis 2020 – les mesures fiscales envisagées pourraient accentuer cette tendance.

Des leviers d’investissement fragilisés

Deux propositions avancées par le gouvernement suscitent une attention particulière dans le monde de l’innovation : la création d’une taxe sur les patrimoines les plus élevés et la suppression de plusieurs dispositifs fiscaux considérés comme « peu efficaces ». Bien que la création d’un nouvel impôt sur la fortune ne fasse pas l’objet d’un rejet de principe, les acteurs du secteur plaident pour l’exclusion des investissements dans les PME innovantes de l’assiette de cette future taxe.

Cette préoccupation s’appuie sur un précédent marquant : la suppression de l’ISF en 2017. Si ses effets directs sur l’investissement sont difficiles à isoler, une corrélation a été observée : les montants levés par les startups françaises ont bondi de 39 % entre 2018 et 2019. À l’époque, ce mouvement avait renforcé l’attractivité du capital-risque français et permis à de nombreux projets technologiques de passer un cap.

Aujourd’hui, ce sont plusieurs dispositifs fiscaux clés qui sont sous pression. Le crédit d’impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt innovation (CII) et le statut de jeune entreprise innovante (JEI) figurent parmi les instruments les plus menacés. Ces mécanismes permettent respectivement de soutenir les dépenses de R&D, de prototypage, et d’offrir des exonérations sociales et fiscales aux jeunes pousses. S’y ajoute l’IR-PME, dont la reconduction au-delà du 31 décembre 2025 est jugée cruciale pour le maintien du capital-risque en France, notamment via l’investissement en FCPI.

Le spectre du budget 2025 plane encore

La mémoire collective du secteur reste marquée par le choc du budget 2025. Après plusieurs années de soutien relativement stable, l’écosystème tech avait alors encaissé une vague d’économies budgétaires : près de 2 milliards d’euros de crédits alloués au programme France 2030 avaient été reportés, et plusieurs centaines de millions d’euros d’aides supprimés. Parmi les victimes de cette rigueur, le dispositif « jeunes docteurs », qui permettait une double valorisation de leur rémunération dans les charges déclarées, avait été brutalement interrompu.

Le CII et le statut JEI avaient eux aussi été impactés, provoquant un effet domino sur les recrutements, les plans de développement et les levées de fonds. Pour les professionnels de l’innovation, répéter une telle trajectoire budgétaire en 2026 reviendrait à fragiliser durablement une filière stratégique pour la souveraineté technologique du pays.

Une situation tendue malgré quelques signaux positifs

Le recul des financements touche désormais toutes les phases de développement, y compris l’amorçage, pourtant historiquement protégé par des mécanismes publics. Cette phase initiale, cruciale pour transformer une idée en projet viable, repose en grande partie sur les incitations fiscales et les apports indirects de l’État. Sa fragilisation pourrait entraîner un ralentissement structurel de l’écosystème dans les années à venir.

Dans ce contexte, certaines annonces positives ont été relevées : la simplification des marchés publics, la réduction des délais de paiement, ainsi que la mobilisation de 900 millions d’euros en fonds propres pour soutenir les entreprises innovantes. Des mesures bienvenues, mais jugées insuffisantes face à l’ampleur des défis qui se profilent.

Le gouvernement devra donc arbitrer avec finesse entre la nécessité de redresser les comptes publics et celle de maintenir la dynamique d’un secteur qui représente, à bien des égards, le futur de l’économie française.