Fonds de pension néerlandais : 125 Md€ d’obligations à vendre

Une réallocation financière d’une ampleur inédite s’annonce aux Pays-Bas

Entre 2025 et 2028, les fonds de pension néerlandais — qui pèsent 1 500 milliards d’euros, un record en zone euro — vont opérer une transformation profonde de leur modèle de gestion. En abandonnant le système à prestations définies au profit d’un régime à cotisations définies, ces institutions entament un redéploiement massif de leur capital. En ligne de mire : la cession d’environ 125 milliards d’euros d’obligations souveraines à long terme.

Ce mouvement, bien plus qu’un simple ajustement technique, pourrait redessiner durablement l’équilibre des marchés obligataires européens, dans un contexte déjà marqué par des besoins croissants de financement public.

Une transition structurelle aux effets systémiques

Le changement de paradigme des retraites néerlandaises s’accompagne d’un repositionnement complet sur la courbe des taux. Les obligations à 30, 40 ou 50 ans, jusqu’ici utilisées pour garantir les engagements de long terme, vont être progressivement délaissées. Les gestionnaires s’orientent désormais vers des actifs à rendement plus élevé, comme les actions ou le crédit.

Cette réorientation entraîne une chute structurelle de la demande sur les obligations de long terme. Ce phénomène s’ajoute au retrait d’autres acheteurs traditionnels — comme les investisseurs japonais — aggravant une situation déjà tendue sur les marchés. Selon Rabobank, les fonds néerlandais détenaient 457 milliards d’euros de dette publique, dont 19 % de la dette des Pays-Bas. Les ventes les plus importantes devraient concerner la dette allemande, française et néerlandaise, pour un total estimé à 69 milliards d’euros.

Comme le souligne Pooja Kumra (TD Securities), ces cessions pourraient s’accélérer rapidement en fin d’année, alimentant les tensions sur les taux d’intérêt. Le rendement de l’OAT 30 ans française dépasse désormais les 3 %, un seuil inédit depuis la crise de la dette européenne.

Une question clé : qui pour acheter ce que les retraites délaissent ?

Au-delà du volume de dette souveraine concernée, le cœur du problème réside dans la capacité du marché à absorber ce choc. Qui remplacera les fonds de pension néerlandais dans leur rôle de détenteur stable d’obligations d’État ? Dans une Europe qui finance à crédit sa transition énergétique, sa défense et ses ambitions industrielles, cette question devient cruciale.

La transition s’organise en plusieurs phases. PFZW (259 milliards d’euros) prévoit son basculement au 1er janvier 2026, ABP l’année suivante. Mais les portefeuilles sont déjà en cours d’ajustement. À court terme, les fonds renforcent leurs couvertures via des instruments dérivés, avant de les liquider après transition. Une mécanique qui peut accélérer les mouvements de marché : personne ne veut être le dernier à vendre.

Les hedge funds y voient une opportunité de trading spéculatif. Mais cette logique opportuniste ne compensera pas la disparition d’un investisseur institutionnel de long terme. Si aucun acteur de poids ne prend le relais, l’équilibre de financement des États européens pourrait être sérieusement fragilisé.

Une onde de choc à surveiller de très près

La réforme des retraites aux Pays-Bas agit comme un révélateur. Elle expose la fragilité des marchés obligataires européens face à un retrait simultané d’acheteurs institutionnels majeurs. Ce basculement n’est pas un simple dossier technique : il concerne toute l’architecture financière du continent.

Face à des États toujours plus dépendants des marchés pour se financer, la disparition progressive d’un pilier comme les fonds de pension néerlandais appelle une réponse stratégique. Faute de quoi, l’Europe pourrait se retrouver sans filet au prochain choc de taux.