L’annonce récente d’une pause de 90 jours sur les tarifs universels, accompagnée d’une augmentation des droits sur les importations chinoises à 125%, révèle une stratégie de négociation qui mérite d’être décortiquée…
Le jeu dangereux de Trump sur les tarifs: Une stratégie de chaos calculé

« Ils créaient un levier maximum en créant un chaos maximum théorie des jeux classique, » observe justement Tom Bruce de Tanglewood Wealth Management. C’est précisément ce que nous avons vu se dérouler: une déstabilisation délibérée des marchés mondiaux, effaçant des billions de dollars de capitalisation boursière, suivie d’une concession partielle provoquant un rebond euphorique. Wall Street a bondi de 7% tandis que le Nasdaq grimpait de 9%. Les traders appelle cela un « meltup« , une fusion vers le haut, l’inverse d’un effondrement.
Cette tactique n’est pas nouvelle pour Trump. C’est le mode opératoire d’un négociateur qui crée artificiellement une crise pour ensuite se présenter comme le sauveur lorsqu’il offre un compromis. Le problème fondamental est que cette approche traite l’économie mondiale comme un simple terrain de jeu pour des manœuvres politiques, ignorant les conséquences réelles pour les entreprises, les consommateurs et la stabilité économique mondiale.
L’incertitude comme arme économique
« Les 90 jours de suspension créent plus d’incertitude », avertit Amarjit Sahota de Klarity FX. Et il a raison. Cette « pause » n’est pas une solution; c’est un sursis temporaire qui empêche toute planification à long terme. Les entreprises restent dans l’incapacité de prévoir leurs coûts futurs, d’élaborer des stratégies d’approvisionnement ou de fournir des prévisions fiables à leurs investisseurs.
Comment une entreprise peut-elle élaborer une stratégie cohérente quand « le niveau des tarifs semble changer de jour en jour », comme le souligne John Canavan d’Oxford Economics? Cette approche imprévisible déstabilise les chaînes d’approvisionnement mondiales et érode la confiance dans l’économie américaine comme partenaire commercial fiable.
Le plus inquiétant était peut-être la réaction du marché obligataire. La vente massive d’obligations américaines traditionnellement considérées comme des valeurs refuges signale une méfiance profonde envers la politique économique actuelle. Comme l’a noté Alex Morris de F/M Investments, « ce qui a convaincu le président d’agir, c’était le marché obligataire, qui avait commencé à envoyer des signaux indiquant que la situation allait s’aggraver régulièrement. »
Quand les investisseurs fuient les bons du Trésor américain, c’est un avertissement grave. Ce n’est pas seulement une question de valorisation des actifs; c’est le fondement même du système financier mondial qui commence à trembler.
La Chine reste la cible principale
La modification des tarifs révèle que la Chine reste l’objectif principal. L’augmentation des droits sur les importations chinoises à 125% confirme que le « découplage avec la Chine semble être réel, sans signe de concessions de part et d’autre », comme l’affirme Christopher Hodge de Natixis.
Cette approche binaire risque d’entraîner une fragmentation durable de l’économie mondiale en blocs rivaux, avec des conséquences imprévisibles pour la croissance mondiale, l’innovation et la coopération sur les défis communs comme le changement climatique.
L’administration Trump 2.0 semble reprendre « le manuel Trump 1.0 des pays étrangers acceptant d’acheter plus de biens spécifiques des États-Unis », selon Hodge. Cette approche transactionnelle peut « améliorer marginalement le déficit commercial, mais ne changera pas fondamentalement la relation commerciale ».
Le problème est que ces tactiques à court terme pourraient causer des dommages structurels durables à l’économie mondiale. La confiance, une fois brisée, est difficile à reconstruire. Et les chaînes d’approvisionnement, une fois réorientées, ne se rétablissent pas facilement.
Un appel à une politique commerciale plus réfléchie
Ce dont nous avons besoin n’est pas un jeu de poker économique, mais une stratégie commerciale cohérente qui reconnaît les défis légitimes posés par certaines pratiques commerciales tout en préservant les avantages de l’intégration économique mondiale.
Les relations commerciales ne sont pas des jeux à somme nulle où l’un gagne ce que l’autre perd. Elles sont des arrangements complexes où la coopération peut créer de la valeur partagée.
En fin de compte, utiliser les tarifs comme « outil de négociation », comme le suggère Stuart Thomas de Precidian Investments, peut sembler tactiquement intelligent, mais stratégiquement myope. Car si les marchés peuvent rebondir en quelques minutes, la confiance dans le système économique mondial prend des années à se construire et peut s’effondrer bien plus rapidement qu’elle ne se rétablit.
La vraie question n’est pas de savoir si cette pause de 90 jours apportera un soulagement temporaire, mais si nous sommes entrés dans une ère où la politique commerciale mondiale est dictée par les caprices présidentiels plutôt que par une vision stratégique cohérente du bien économique commun.