17 Avril 2025 : La BCE plie face aux menaces tarifaires

BCE : la baisse des taux révèle l’impact immédiat des tarifs douaniers américains sur l’économie européenne et remet en question l’autonomie monétaire de la zone euro.

« L’incertitude accrue est susceptible de réduire la confiance des ménages et des entreprises, et la réponse défavorable et volatile des marchés aux tensions commerciales est susceptible d’avoir un impact restrictif sur les conditions de financement. » Ces mots, extraits du communiqué de la BCE du 17 avril 2025, ne sont pas qu’une simple formulation technocratique. Ils marquent l’acte de capitulation d’une institution autrefois souveraine face aux menaces tarifaires américaines.

Le revirement spectaculaire

Le 6 mars encore, Christine Lagarde évoquait sereinement une possible « pause » dans les baisses de taux. Un mois plus tard, la voilà contrainte de changer de cap suite à l’annonce du 2 avril de Donald Trump imposant des tarifs douaniers pouvant atteindre 20% sur les produits européens.

La BCE a dû modifier son langage, abandonnant sa précédente évaluation selon laquelle les taux d’intérêt étaient « significativement moins restrictifs », pour souligner désormais que « plusieurs facteurs pourraient peser sur la croissance ». Ce revirement forcé illustre parfaitement la vulnérabilité de notre économie face aux décisions unilatérales américaines.

« Il y a un degré d’imprévisibilité qui ajoute à l’incertitude« , a déclaré Lagarde lors de sa conférence de presse. Elle a même évoqué un « nuage d’incertitude » qui oblige désormais la banque à prendre ses décisions « réunion par réunion » en fonction de l’évolution des 90 jours de trêve tarifaire.

Les entreprises européennes se retrouvent paralysées, incapables d’investir ou d’embaucher alors qu’elles ignorent à quels coûts elles seront confrontées dans trois mois. Les 90 jours de sursis accordés par Trump maintiennent l’économie européenne en apnée, et la BCE en est réduite à naviguer à vue.

Le chiffrage alarmant de la décision du 17 avril

Les économistes de la banque Berenberg estiment que les tarifs pourraient finalement se stabiliser autour de 12%, soit 10 points de pourcentage au-dessus des tarifs moyens d’avant Trump. Sans compter le tarif distinct de 25% sur les automobiles, l’aluminium et l’acier, qui frappera durement l’industrie automobile européenne : un secteur que Trump a clairement indiqué comme non négociable.

Lagarde elle-même avait prédit que les tarifs douaniers pourraient amputer la croissance de la zone euro jusqu’à 0,5 point de pourcentage : soit la moitié de l’expansion prévue pour le bloc. Pour une économie déjà anémique avec une croissance de seulement 0,2% au dernier trimestre 2024, ce coup pourrait être fatal.

Le dilemme impossible du 17 avril

Face à cette situation, l’Union européenne propose une option « zéro pour zéro » qui verrait les deux parties supprimer les tarifs sur les produits industriels, y compris les automobiles. Mais Trump exige plus, notamment l’importation par l’Europe de quantités importantes de gaz naturel liquéfié américain.

« Il y a une négociation qui est en cours, les acteurs autour de la table ont exposé leur position, des propositions ont été faites, au moins d’un côté, mais tout cela pourrait changer », a déclaré Lagarde, illustrant parfaitement l’incertitude qui pèse sur ces négociations.

La décision a conduit la BCE à franchir son « taux neutre », estimé entre 1,75% et 2,25%. Les marchés financiers anticipent déjà au moins deux autres baisses de taux cette année, certains pariant même sur une troisième. La politique monétaire européenne se retrouve ainsi dictée non plus par ses objectifs internes mais par des facteurs géopolitiques externes.

Cette baisse des taux offre certes un répit temporaire à l’économie européenne en rendant le crédit plus abordable pour les consommateurs et les entreprises. Mais elle souligne surtout la gravité de la situation : une banque centrale européenne contrainte de réagir à des menaces externes plutôt que de poursuivre sereinement son objectif d’une inflation à 2% (elle était à 2,2% en mars).

Un appel à l’unité européenne après le 17 avril

« Pour nous, ici, l’indépendance des banques centrales est fondamentale », a déclaré Christine Lagarde lors de sa conférence de presse. Cette déclaration prend une résonance particulière alors même que cette indépendance est mise à l’épreuve par les pressions commerciales extérieures.

Face à cette menace, l’Europe doit présenter un front uni dans les négociations commerciales avec les États-Unis. La relation transatlantique, qui représente 4,4 milliards d’euros (5 milliards de dollars) d’échanges quotidiens de biens et services, est trop importante pour être sacrifiée. Mais elle ne peut pas non plus devenir un levier de chantage permanent.

La décision n’est pas qu’une simple baisse de taux. C’est un signal d’alarme pour l’autonomie économique européenne. Si nous voulons que l’Europe reste maîtresse de son destin économique, nous devons résister collectivement à cette forme de diplomatie par la menace. Le 17 avril 2025 doit marquer non pas notre capitulation, mais le début de notre sursaut.